"Tout ne va pas ici bas, Monsieur, eu gré de notre envie. Le ciel veut qu’ici bas chacun ait ses Fâcheux. Et les hommes seraient sans cela trop heureux." Comme il est un plaisir extrême messires Milsztein et Borg d’être les privilégiés à cette comédie que vous missiez en la scène de l’Aktéon adaptée. De Molière, Jérémie Milsztein et Brice Borg ont le répertoire étudié à avoir mis en scène en 2012, Le Médecin malgré lui. Un plébiscite approuvé en l’Aktéon Théâtre, le spectacle parcourt les routes de France de scène en scène.Le 4 novembre 1661, Les Fâcheux fut pour la première fois donné en public sur le Théâtre du Palais Royal. Divertissement inaugural pour le Roi, la langue de Molière amuse et si l’ouïe dort à l’écoute de vers pompeux, le rire en bouche se délie d’impromptus et de cocasseries.Eraste, gentilhomme épris d’Orphise, se trouve confronté à nombre d’importuns, lesquels contrarient de leur désinvolture le projet de mariage du Marquis. De prologue, il n’est nécessaire, La Montagne, valet d’Eraste, scelle le silence de pitreries. L’entrée d’Eraste résonne de l’intonation au verbe donné, sa voix de stentor lui assure l’attention et le respect des ennuyeux. Les mises en situation, un tourbillon de rebondissements cornéliens provoqués par les apparitions successives de Fâcheux prompts à déjouer un projet fomenté.Une comédie rythmée dans l’esprit de la troupe de Molière, les comédiens s’emparent de la scène et de la salle de leurs allées et venues alternées par la fougue impulsée sous le personnage incarné.De l’esprit, il est accordé d’introduire à la mise en scène. "Pour une longue dame brune, j’ai inventé, une chanson au clair de la lune quelques couplets, si jamais elle l’entend un jour, elle saura que c’est une chanson d’amour pour elle et moi", entonne le Marquis à Orphise qui lui répond "Je suis la longue dame brune que tu attends, je suis la longue dame brune et je t’entends, chante encore au clair de la lune, je viens vers toi", paroles extraites de La Dame brune chantée par Barbara et Georges Moustaki. Une jolie parenthèse argumentée de tendresse et partagée la larme en coulisse d’émotions.Brice Borg excelle dans le registre des Fâcheux interprétés, tour à tour bardé d’une nouvelle tenue et d’élément associé. Une aisance déconcertante, à chaque personnage riment une articulation physique et vocale.La Montagne, valet du Marquis, incarné par Jérémie Milsztein surprend par la spontanéité et l’innocence qu’il insuffle à son personnage. Un rien l’emporte dans un déferlement d’attitudes extraites sans soupçon à sa capacité d’être simultanément homme et artiste.Céline Bévierre joue Orphise, la longue dame brune, en l’habillant de trouble et de profondeur. Le regard affirme la volonté d’être une jeune femme libre et amoureuse, conquise à la vie et au cœur d’Eraste. Une belle présence.Emmanuel Rehbinder, dans le rôle d’Eraste le Marquis, donne au personnage une dimension étayée d’un physique à la hauteur de l’argumentation répliquée. Il porte en bouche la langue de Molière avec l’intonation accordée à l’évocation de l’instant. Emmanuel Rehbinder, l’alchimie de l’artiste, de l’expérience et du talent.Jérémie Milsztein assisté de Brice Borg, l’association de deux metteurs en scène jeunes et prometteurs et pourtant l’un et l’autre montrent passion et savoir-faire dans la réalisation de cette comédie. Les pieds de nez de Molière se subtilisent à la faconde des comédiens et à l'audace de la mise en scène. Céline Bévierre, Brice Borg, Jérémie Milsztein, Emmanuel Rehbinder, une jolie troupe de comédiens à qui pourrait seoir la devise la Comédie française "Simul et singulis", "Ensemble et chacun en particulier".